Individualiser la formation en adaptant la démarche en fonction du public
Avec la réforme de la formation, et plus particulièrement la nécessité d’obtenir la certification qualité, individualiser la formation doit être explicite. Nous sommes d’accord : en tant que pédagogues, nous faisons tous de l’individualisation : nous adaptons notre démarche de formation à nos publics. Il est cependant peu aisé de formaliser ce que nous faisons. Voici quelques pistes…
Définition de l’individualisation
Pour Nelly Leselbaum (1994), l’individualisation peut s’appliquer à trois niveaux :
- l’individualisation des objectifs : sujets, niveaux de difficulté, …
- L’individualisation des moyens : lieux, durée, rythme, outils de diffusion,…
- L’individualisation des méthodes : ateliers de créativité, conférences, échanges de pratiques…
Ce sont donc ces trois aspects que l’ingénieur pédagogique doit articuler pour faire suite au positionnement et adapter un dispositif.
Que dit le RNQ ?
Le Référentiel National Qualité (RNQ) QUALIOPI, publié via 2 décrets, comporte 7 critères répartis en 32 indicateurs.
Individualiser la formation, pour le guide RNQ, passe par deux étapes : réaliser un positionnement et adapter le dispositif. Le positionnement est, selon le guide RNQ, le procédé permettant d’identifier ce qui est acquis en termes de compétences et connaissances et ce qui doit faire l’objet d’un apprentissage.
Le positionnement et l’adaptation du dispositif de formation sont formalisés par quatre indicateurs du RNQ (référentiel national qualité).
A l’étape de la conception
- 2.4 : Le prestataire analyse le besoin du bénéficiaire en lien avec l’entreprise et/ou le financeur concerné(s). Il s’agit des modalités de positionnement : grilles d’analyse, diagnostics préalables, dossiers d’admission, comptes rendus d’entretiens, critères de détermination de l’opportunité et de la faisabilité de la prestation. L’analyse du besoin est la première pierre de l’édifice du parcours de formation.
- 2.6 : Le prestataire établit les contenus et les modalités de mise en œuvre de la prestation, adaptés aux objectifs définis et aux publics bénéficiaires. Il s’agit des modalités d’adaptation prévues suite au positionnement : parcours, déroulés et séquences, grilles et modalités d’évaluation, modalités techniques et pédagogiques d’accompagnement : en présentiel, à distance ou en mixte (blended learning, synchrone ou asynchrone). Supports de contractualisation, de réalisation, modalités de mise en œuvre, référentiels des diplômes, guide pratique du déroulé de la prestation, avec la durée et le calendrier.
- 2.8 : Le prestataire détermine les procédures de positionnement et d’évaluation des acquis à l’entrée de la prestation. Il s’agit d’élaborer des situations d’évaluation diagnostiques ainsi que des outils critériés : diagnostic préalable, entretien, évaluation des acquis à l’entrée (quizz, QCM, exercices, mise en situation, test), outils de mesure des écarts en termes de compétences à acquérir ou à faire valider, procédures de positionnement et/ou conditions d’accès.
Processus et outil tels que mis en oeuvre
3.10 : Le prestataire met en œuvre et adapte la prestation, l’accompagnement et le suivi aux publics bénéficiaires. Il s’agit de montrer comment la prestation est réellement adaptée aux situations et profils des bénéficiaires : contenus (outils et méthodes), accompagnement, suivi (durées, emplois du temps, adaptation des rythmes).
Alors, comment faire pour individualiser la formation ?
Aujourd’hui, positionner, ce n’est pas seulement s’informer des diplômes et expériences des candidats et vérifier un niveau à l’entrée en formation : c’est aussi tenir compte des impératifs professionnels et personnels, proposer des modalités et des outils différents, proposer un calendrier adapté… Voici quelques pistes pour vous aider à construire une démarche d’individualisation digne de ce nom.
L’individualisation passe par la connaissance du marché
Pour construire un dispositif de positionnement, il faut connaître le marché : le métier visé, mais aussi les candidats aux formation : leur profil, leur statut, leur environnement. La première étape consiste donc à enquêter puis à élaborer une typologie, c’est à dire des catégories de profils. Il en faut pas s’arrêter là, bien entendu, car on recherche exactement l’effet inverse : sortir des cases !
Construire des parcours types et pré-positionner
La seconde étape consiste à décliner le parcours de formation initial en plusieurs parcours adaptés. La méthode préconisée est de proposer un parcours « allégé » pour les publics déjà professionnalisés (mais qui n’entrent pas dans la case « VAE » pour une raison ou pour une autre), un parcours « intermédiaire » pour les profils médians et un parcours « renforcé » pour les profils qui nécessitent des renforcements. Le positionnement sur l’un des parcours peut se réaliser facilement dès les premiers contacts avec les candidats en se basant sur trois informations : les diplômes et qualifications, les expériences et le statut professionnel. C’est le pré-positionnement, ou positionnement sur dossier.
Permettre les ajustements individuels
Il est ensuite nécessaire d’affiner les parcours en analysant plus précisément les pré-acquis des candidats, leur contexte et leur style d’apprentissage. Cette étapes passe par une phase de tests qui peuvent se dérouler en ligne ou en présentiel, en situation professionnelle ou en simulation. L’entretien individuel est également un bon outil pour relever les spécificités des candidats.
Cette phase de diagnostic rapproché permet de proposer des contenus adaptés (système d’options, allègements et renforcements complémentaires), un intensité hebdomadaire modulable (nombre d’heures de formation par semaine), des entrées et sorties progressives, des durées personnalisées, des modalités et des méthodes différenciées (présentiel, distance, accompagnement allégé ou renforcé).
Prévoir une adaptation permanente
Le troisième niveau d’individualisation est de la responsabilité du formateur :
- C’est à lui de faire la démarche de suivi de l’apprentissage, en s’assurant que les apprenants progressent effectivement,
- En fonction des informations recueillies, il va insister sur un point, passer sur d’autres, changer de méthode, de modalité…
- La démarche d’accompagnement, parce qu’elle n’a pas de programme, permet une adaptation permanente de la formation par le formateur.
Dans la formation de Qualiopi, le formateur dispose d’une expertise indispensable dont il doit prendre conscience. Sans elle, la prestation fournie n’est que de l’information.
Formaliser un processus et construire des outils adaptés
Toutes ces étapes nécessitent de formaliser un processus et de construire des outils adaptés. Dans le cadre des formations certifiantes, tous les outils sont disponibles, puisque prévus par le certificateur : référentiel de compétences et de certification, critères et indicateurs, grilles de certification…, tandis que dans le cas des formations modulaires, le formateur doit tout construire.
Une fois le positionnement bouclé, il ne reste plus au prestataire de formation et à son candidat qu’à signer un plan individuel de formation qui récapitule les résultats du positionnement et décrit le parcours proposé, précisant les objectifs, moyens et méthodes applicables à chaque stagiaire.
La démarche de positionnement est un processus concerté : il ne s’agit pas d’évaluer un candidat et de lui imposer un parcours malgré lui : la négociation du parcours fait partie de l’objectif d’autonomie et d’implication indispensables pour la réussite de toute formation. Le plan de formation doit être signé des deux parties : c’est un accord formalisé, qui peut être renégocié, mais dans un cadre bien précis qui tient au changement de contexte de l’apprenant.
Le positionnement, c’est déjà commencer la formation : pendant le processus, le candidat mesure les écarts entre ses acquis et les objectifs de la formation. Cette prise de conscience est une condition de la réussite du projet de formation parce qu’elle a un impact direct sur la motivation de l’apprenant.
Construire son propre dispositif d’individualisation
Pas de recette magique ici ! Le positionnement et l’adaptation du dispositif ne peuvent pas se résumer à une simple méthode en quatre étapes. Les pistes tracées ici ne sont que de modestes indicateurs, le chemin est encore long. Chaque prestataire doit construire son propre dispositif d’individualisation pour démarquer son offre et s’adresser à un public bien précis.
Les experts de l’accompagnement, longtemps mis de côté en l’absence de reconnaissance officielle de leur expertise retrouvent une légitimité dans le Référentiel National Qualité. Le positionnement et l’individualisation des parcours n’est que la partie émergée de l’iceberg de l’accompagnement, et nous ne sommes qu’au début de son histoire … Affaire à suivre !
Elizabeth Armao – Dirigeante France Orientation Conseil – Consultante et formatrice – Docteure en sciences de l’éducation – Auditrice qualité certifiée AFNOR.
France Orientation Conseil vous accompagne dans le développement et la mise en oeuvre de vos dispositifs
Bibliographie
- AECSE (1993), Individualiser les parcours de formation.
- Décret n° 2019-564 du 6 juin 2019 relatif à la qualité des actions de la formation professionnelle
- Décret n° 2019-565 du 6 juin 2019 relatif au référentiel national sur la qualité des actions concourant au développement des compétences
- Jezegou A. (2005), La formation à distance: enjeux, perspectives et limites de l’individualisation, L’Harmattan.
- Ministère du travail (2020), Guide de lecture du Référentiel National Qualité, version février 2020.
- Serreau Y. (2013), Accompagner la personne en formation, Dunod.
- Vial M. et Mencacci N. (2007), L’accompagnement professionnel ? Méthode à l’usage des praticiens exerçant une fonction éducative, de Boeck.